Robert RANDOLPH & The Family Band: Got Soul (2017)
Robert RANDOLPH fait partie de cette catégorie de musiciens qui ont des difficultés à faire passer dans leurs albums studio la fantastique énergie déployée sur scène. Je me souviens que « l’homme à la machine à coudre » avait mis le feu à Bercy en 2004 en première partie du show de Clapton puis avait terminé le job pendant le rappel de Slowhand avec un « Got My Mojo Working » dévastateur. Mais en studio, cette puissance passait moins bien, le groupe semblant ne pas savoir restituer leur son…Avec ce nouvel album, enfin, cette débauche d’énergie, ce mélange de blues, gospel, funk et soul propulsé par un groove d’enfer explose enfin dans les enceintes.
Cet instrument est assez souvent associé au country rock, et Poco ou New Riders Of The Purple Sage ont sublimé leur son avec ses sonorités. Mais il est assez rare que la steel-guitar soit utilisée en lead, à la notable exception des Campbell Brothers évoqués plus haut et dans un registre spécifique. Aussi la démarche de Robert n’en est que plus originale et c’est donc un album bouillonnant, une sorte de hard-gospel qu’il nous propose, comme la reprise de « I Thank You » de Sam & Dave qui envoie du lourd. Mais alors on retrouve également Randolph seul à la lap-steel pour un superbe et aéré« Heaven’s Calling ». Darius Rucker le chanteur de Hootie and the Blowfishpour est invité sue le très soul "Love Do What It Do", quasiment une ambiance discothèque (enfin celle des 70’s). Le jeune organiste Cory Henry est aussi présent sur « I Thank You » dans le but d’ouvrir la musique du groupe à d’autres influences. Matt Pierson, qui est surtout nommé par son travail avec les jazzmen, produit l’album. «Find A Way» et «Be the Change» retrouvent l’atmosphère des chants d’église et contrastent superbement avec le funky « Gonna Be All Right ». Toutefois dans ce mélange des genres assumé et réussi, la dominante de l’album, ce sont des riffs rougis et tricotés sur les forges de la slide, ces mélodies qui accrochent, avec un petit côté pop assez inattendu mais pas du tout racoleur.
Michel Bertelle
Alerte! Vigilance orange sur le monde de la musique! Le génie de la pedal steel guitar, le dingue de la lap-steel, le furieux du glissando, bref… Mister Robert Randolph sort un nouvel album renversant. Toutes les influences du musicien sont réunies dans ce disque fumant. Le blues-rock avec « I want it » (et ses chœurs « soul » sur le refrain) et « Lovesick » (dans le style de « My little girl » de Jeff Healey). Le funk avec « Shake it off », « Find a way » (rehaussé d’une touche de swamp) et l’entraînant “Got soul” dans lequel Robert cite le vieux Johnny Cash (« Like Johnny Cash said, I walked the line »). Cependant, la soul music occupe une large place et elle se décline de toutes les façons. Rythmée sur « She got soul » (avec un final plus Motown), elle se fait plus mélodique sur « Gonna be alright ». Robert Randolph reprend également le « I thank you » de David Porter et Isaac Hayes avec une intro impressionnante. Pour finir, trois morceaux se dégagent particulièrement de cette production talentueuse. Tout d’abord, « Be the change », un titre syncopé et soul avec une pedal steel qui se teinte de colorations country pour un superbe solo. Ensuite, deux instrumentaux venus d’une autre planète : le magnifique « Heaven’s calling » qui serre le cœur (Robert joue tout seul et on peut même entendre légèrement le glissement de la barre d’acier sur les cordes) et le speedé « Travelin’ cheeba man » (véritable démonstration avec un thème doublé à la steel guitar et à l’orgue). Robert Randolph possède tous les atouts d’un musicien d’exception : la maîtrise technique, la sensibilité, le feeling, l’émotion. Et tout cela transparaît dans ce génial « Got soul ». Et dire qu’il aurait pu rester dans son église à jouer des gospels pour le restant de ses jours. Le monde aurait vraiment été privé d’un talent hors du commun.
Olivier Aubry